CRAPONNE ET SON HISTOIRE

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Craponne a commémoré en 1990 le Millénaire de son apparition dans l'histoire. C'est en effet vers 990 que nous trouvons la première mention écrite du nom, sur la charte 174 du cartulaire du Monastier. Par cet acte, une dame au doux nom d’Aldegarde, soucieuse du repos de son âme, fait don à l'abbaye d'un manse situé au Vernet, in pago Vellaïco in vicaria Craponense.     

Cependant trois éléments au moins plaident pour une origine bien plus ancienne.

1- Depuis cette commémoration, nous avons découvert une mention de la paroisse de Craponne en 938 sur la charte n° 181 du même cartulaire.

2- Le nom de Craponne est issu d'une racine pré-indo-européenne, ce qui le fait remonter au plus tard aux débuts du premier millénaire avant l'ère chrétienne. Le docteur Bachelier traduisait l'eau du rocher. Il pensait aussi avec vraisemblance que le patronage de Saint Caprais n'était pas l'effet du hasard, et que le nom vénérable et sonore de Craponne avait guidé le choix de nos ancêtres.

3- Une autre preuve de l'antiquité de Craponne réside dans l'étonnante étoile routière qui l'entoure.

Les plus anciens itinéraires sont sans nul doute la Bolène et le chemin des Faîtes (ou de la Rodde). Suivant les points hauts du relief, reliant les habitats les plus anciens, jalonnant les sites de roches à bassins ou chargés de légendes, ils ont un caractère très particulier que l'Abbé Duffieux opposait à celui du Chemin de César, la belle voie romaine qui évite Craponne en passant deux kilomètres plus à l'Est. Antérieurs à l'occupation romaine, ils témoignent de l'ancienneté du sol craponnais.

Ils permettent aussi de hasarder une explication sur les origines de ce site, qui peut sembler au premier abord peu attirant par la rudesse de son climat. En réalité, Craponne a dû être très tôt l’avant-poste septentrional des Vellaves ou de leurs devanciers. (d'après M. Marcel Bordet).

 

LA  SEIGNEURIE

Au XII° siècle, Craponne est placée sous la domination de la puissante famille de Beaumont dont les origines se confondent avec celles de la féodalité.

Le 2 des calendes de mai 1163, Guillaume de Mons trouve la mort en se portant au secours de la ville assiégée. Il s'agit probablement d'un épisode de la longue lutte que se livrèrent les vicomtes de Polignac et les Evêques du Puy.

Vers 1230, Egline, dernière héritière des Beaumont, épouse Bertrand de Chalencon. Par cette union, le château et la seigneurie de Craponne passent à cette famille qui, deux siècles plus tard au terme d’un procès mémorable, reprendra le nom et les armes des Polignac.

 

LE CHATEAU ET LA VILLE FORTIFIEE

Au Moyen-Age, Craponne possédait un château distinct de la ville fortifiée avec laquelle il communiquait par un pont-levis. Ce dernier enjambait un fossé que l'on pourrait situer à l'emplacement actuel de la rue des pénitents.

Le château fut rasé en 1576 sur ordre de Saint-Vidal, gouverneur du Velay. Seul a été préservé la tour carrée communément dénommée « le donjon ». Du haut de ses 22 mètres, celle-ci porte encore l'horloge qui rythme la vie de la cité depuis la fin du XVI° siècle.

Des remparts de la ville subsistent aujourd'hui les tours de Pasturel et du Marchedial, les vestiges des portes de Merle (avenue Jeanne d'Arc) et de Constant (rue du Commerce) ainsi que quelques pans de murs encore visibles dans les constructions existantes.

Le faubourg des Constants commémore l'un des faits les plus saillants de l'histoire locale et que le Dr Bachelier a raconté en ces termes : C'était en 1418. Les Anglais, encouragés par la victoire d'Azincourt, avaient incité leurs alliés bourguignons à réduire la résistance des Armagnacs restés fidèles à l'idée de l'indépendance française. Or, le Velay était Armagnac et le Forez Bourguignon. Les principaux barons foréziens armèrent une troupe de routiers, et, sous la conduite du sire de Rochebaron, vinrent de Montbrison en direction de Pontempeyrat, pour se diriger ensuite sur la ville du Puy.

Une femme du peuple, Catherine Belloreille, ayant eu vent de leurs projets, vint en toute hâte avertir les habitants de Craponne de l'arrivée des ennemis. Que faire ? Les murailles étaient encore incomplètes, et la garnison bien faible pour résister longtemps à l'assaut de troupes déjà fortement aguerries. Qu'importe ! Sur les instances de Catherine Belloreille, les habitants de Craponne se préparent à une résistance peut-être folle, assurément digne de leur courage héroïque. Réunis au faubourg, qui garde mémoire de leur vaillance et de leur fidélité, ils décident de s'enfermer dans le donjon et de retarder, par leur tir, le passage des Bourguignons que la route du Puy amènera bientôt devant la vieille tour quadrangulaire. L'ennemi est informé de cette décision. Il refuse d'engager le combat et préfère détourner son itinéraire.

 

LES PRINCIPAUX MONUMENTS

L'église paroissiale remonte à la fin du XV° siècle ou au tout début du XVI°, à l'exception des chapelles latérales, un peu plus récentes, et des deux dernières travées, construites vers 1780. A l'intérieur, on peut admirer en particulier une vierge de pitié, peinte par Guy François (XVII°), une fine statue en albâtre de la vierge, attribuée à un sculpteur bourguignon du XV° s., la chaire et les boiseries du choeur, oeuvres de Gabriel Samuel (1735) hélas mutilées par les révolutionnaires et un ensemble de vitraux (1865-66) de Emile Thibaud représentant, dans le choeur et au dessus du portail ouest, la légende de Saint Caprais.

Sur les places du For et Bardon, deux fontaines difficiles à dater mais à l'aspect le plus original qui soit.

La place aux Laines est aujourd'hui entièrement pavée. Elle était occupée, jusqu’en 1926, par la "maison de la taille", une pittoresque construction du XV°s. A l'ouest, se trouve la maison où vécut Pauline de Ranchoup, ex-maîtresse de Napoléon en Egypte, et que ses excentricités firent exiler chez son cousin, M.Gallet, à Craponne. On cite encore les traits remarquables de sa conduite singulière : n'allait-elle pas jusqu'à faire abreuver ses chiens dans les bénitiers de l'église ?

A l'est de la même place, s'élève une maison (maison Saby) qui portait une statue en bois (ecce homo) enlevée par le propriétaire vers 1990 et probablement installée en cet endroit par la confrérie des pénitents. C'est là que, par une sombre nuit de 1754, le fameux Mandrin vint déposer son tabac de contrebande chez Dominique Boulle. Celui-ci étant absent, ce fut sa femme qui reçut le bandit et le conduisit dans la maison voisine où demeurait Damase Calemard de Montjoly, maire de Craponne, puis chez M. d'Aurier d'Ollias, afin de lui faire remettre le prix du tabac abandonné par le contrebandier.

Aux  XVII° et XVIII° siècles, quatre couvents furent fondés à Craponne. Cette époque, particulièrement prospère, vit encore la construction de nombreuses maisons et hôtels particuliers. Les plus remarquables appartenaient aux familles Torrilhon de Vacherolles (maison Colomb), de Vinols (ancienne école des Frères), Parrel de Reyraguet (maison Bachelier), Sanhard de Sasselanges (maison Sivard et ancienne mairie), Calemard de Montjoly (place aux fruits) et Aurier d'Ollias.

Au coeur de la vieille ville, la rue des voûtes tire son nom des habitations qui l'enjambaient et dont il ne subsiste qu'un seul témoin, donné à la société d’histoire qui en termine la restauration.

Tout près, divers remplois Renaissance, des maisons où l'on devine des colombages et une petite construction flanquée d'une ancienne échoppe évoquent le tissus médiéval de la cité.

Enfin, la chapelle des pénitents rappelle le souvenir de l'une des deux plus anciennes confréries du Velay. Fondée à la fin du XVI° s., elle fut la plus nombreuse (près de 1000 membres au début de la Révolution) et comprenait des hommes et des femmes. La chapelle actuelle (1774-1782) a conservé son plafond d'origine à rosaces et moulures, restauré avec le concours de la société d’histoire. Elle a jadis abrité une série de tapisseries de Felletin à grands personnages représentant les mystères glorieux de la Vierge mises à l’abri en 1905 (afin de les soustraire aux inventaires) et que nous recherchons toujours.

 

INDUSTRIES

Les productions locales eurent leur heure de gloire. Du XIV° au XVI° siècle, le fromage de Craponne était apprécié dans le royaume de France, jusqu'à la Cour.

Mais c'est la dentelle qui fit la plus large renommée à la cité. Appréciée pour son raffinement, la production locale était exportée dans les cinq continents. Il semble même que Craponne soit à l'origine du renouveau dentellier du XIX° s. en Velay grâce, en particulier, à l'installation de Théodore Falcon (1830) et à la fondation des fabriques Vignal et Surrel auxquelles devaient succéder plus de cent fabricants craponnais.

                                                                                                      Gabriel Ferrand